Au bord de la rivière, entre pierres et boutons d’or, la voix de Colette a jailli avec une histoire de mur, de curé et de presbytère, mais surtout avec les mots et le charme de l’enfance. Nous avons ensuite marché à travers le plateau des Hautes Chaumes, soulevés par le vent et encouragés par les jonquilles. Dans l’intimité du refuge, nous avons découvert ou redécouvert l’amour de Colette et de sa mère pour les animaux, la nature et la vie. Après une pause déjeuner au plateau du Garnier, nous nous sommes laissés porter par ces deux voix, qui, peu à peu, nous sont devenues familières : celle de l’écrivain et, surtout, celle de notre lectrice, Marie-Hélène Leschiera.
Dans l’après-midi, certains s’en sont allés, par des sentiers vagabonds, à la re- cherche de fromages abandonnés, d’autres ont flâné au hasard des chemins, défiant les colonnes de scarabées, et rapportant, entre leurs bras, des bouquets de jonquilles.
Le soir, nous nous sommes retrouvés autour des odeurs de fourme, de jambon et de bon vin. La veillée lecture nous a livré le secret de Colette, et, mieux en- core, celui de son père. Le poète Rilke était aussi au rendez-vous, avec ses élé- gies, ses chants et ses sonnets. A l’heure du coucher, nous n’avons pas contem- plé le ciel et les astres, mais nous avons vu l’étoile Vesper briller dans les yeux et sur le visage de la comédienne.
Le lendemain, départ musclé pour une raide montée de trois heures, tandis que deux éclopées, rescapées de la première journée, attendaient les marcheurs sur les petits bancs de pierre du Moulin des Massons. Au fond de la vallée, celui-ci faisait la roue, tout près du jardin botanique où s’épanouissaient les premiers brins de muguet et boutons de roses.
Après le repas, assis sur l’herbe verdoyante, nous avons goûté à un digestif insolite, composé de vers rilkiens et de prose champêtre. Une quatrième voix s’est rajoutée aux trois premières, celle de Ouarda, notre chanteuse lyrique, invitée par la lectrice à reproduire le chant du rossignol piégé dans les vrilles de la vigne. Les vaches, couchées dans le pré, nous ont montré que les humains ne sont pas les seuls à apprécier la littérature.
Notre séjour s’est terminé en nous laissant sous le charme. Dans nos sacs, nous avons rapporté jonquilles, huile de noix, confitures maison, savons colorés… Et dans nos têtes, ces quelques lignes de Colette, à scander tel un joyeux refrain :
Je voudrais dire, dire, dire tout ce que je sais, tout ce que je pense, tout ce que je devine, tout ce qui m’enchante, et me blesse et m’étonne …
Merci à Marie-Hélène Leschiera, pour son grand talent, son enthousiasme, et son dynamisme.
Merci aux organisatrices et à tous les participants, pour ces deux journées repo- santes, généreuses et enrichissantes.
Les textes lus sont extraits des recueils suivants :
- Colette : Les vrilles de la vigne ; Sido ; la maison de Claudine, Journal à rebours
- Rilke : Le livre de la pauvreté et de la mort ; le livre des heures ; le livre des images ; les élégies.
Photos de Geneviève Despeisse